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Le syndrome d’aliénation parentale SAP

Dernière mise à jour : 19 avr.



Qu’entend-on par «le syndrome d’aliénation parentale» ?

Il n’y a pas unanimité sur cette définition. Il n’y en aura probablement pas avant que ce phénomène ne trouve son entrée dans la bible de la psychiatrie, le DSM (Manuel Diagnostique et Statistique de l’Association Psychiatrique Américaine), ce qui ne devrait pas tarder.

La définition la plus courante est celle de Gardner selon laquelle le SAP serait un désordre qui a comme première manifestation une campagne de dénigrement de la part de l’enfant contre un parent, campagne non-justifiée. Cette campagne de dénigrement est elle-même le résultat d’une combinaison d’une part d’une forme de lavage de cerveau plus ou moins subtil opéré par un parent (le parent aliénant) et, d’autre part, de contributions de l’enfant relevant donc de certaines caractéristiques personnelles de cet enfant.

Cette définition ne fait pas nécessairement l’unanimité ?

D’autres auteurs plus récents, comme par exemple Kelly, centrent le désordre davantage sur l’enfant et écartent tout lien causal entre la position de l’enfant et une éventuelle attitude dénigrante d’un parent.

La définition de Kelly ressemble davantage à ceci : le SAP est le phénomène où un enfant exprime librement et de façon persistante des sentiments et des croyances déraisonnables (rage, haine, rejet, crainte) envers un parent et qui sont significativement disproportionnés par rapport aux expériences réelles que l’enfant a vécu avec ce parent.

Cette définition a l’avantage de faire du SAP un désordre chez l’enfant et non un désordre familial. De ce fait, il devient plus facilement observable et «cotable». Le SAP, trouvera plus facilement son entrée dans le DSM sous cette forme que sous celle proposée par Gardner.

Cela veut-il dire que vous préférez la définition de Kelly à celle de Gardner ?

Pas vraiment. Je crois la définition de Gardner probablement réaliste et juste. Il est toutefois vrai que celle de Kelly est préférable sur le plan scientifique parce qu’elle écarte tout lien de causalité et peut donc faire l’économie de l’étape de l’interprétation. On sait que l’interprétation est toujours sujette à caution puisque échappant à l’observation directe.

Le SAP se rencontre souvent ?

Gardner prétend qu’on trouve au moins une version faible dans quatre-vingt dix pour cent des divorces conflictuels et qui impliquent un litige autour de la garde d’enfants. Des études plus anciennes, comme celle de Wallerstein (1980), situent à vingt pour cent les enfants du divorce qui sont réticents à visiter le parent non-gardien.

Dans mon propre échantillon d’expertises dans le même contexte, je rencontre une aliénation parentale sérieuse dans cinquante pour-cent des affaires. Ce dernier chiffre ne peut toutefois être généralisé à cause de la non-représentativité de mon échantillon. Étant assez connu dans ce domaine, les juridictions m’envoient peut-être leurs pires cas.

Comment se fait-il qu’on en parle tellement maintenant de ce SAP ?

Il y a probablement plusieurs raisons. Une première est d’ordre socioculturel. Avant, il y avait tout simplement beaucoup moins de divorces, les parents restaient souvent ensemble «à cause des enfants». Il y a eu une banalisation de la séparation, du divorce créant fatalement beaucoup plus de litiges, y inclus en matière de garde d’enfant.

Ensuite et pour des raisons tout autant sociologiques, il y a eu un changement important dans la philosophie même de la garde. Avant 1970, il n’y avait qu’une philosophie pratiquement unanime : celle de «l’âge tendre». Après le divorce, les enfants restaient tout simplement chez leur mère parce que celle-ci, depuis des temps immémoriaux, était perçue comme la réelle et naturelle pourvoyeuse de soins.

Dans les années 70, à l’ère des «flower children», est apparu un mouvement que, de façon irrespectueuse j’appellerais la «féminisation de l’homme». Cela coïncidait évidemment avec l’ère où les femmes rejoignaient massivement le marché du travail, phénomène qui ajoutait à l’idée de «l’égalité des sexes» et donc, des parents.

Les tribunaux ont alors graduellement adopté une nouvelle philosophie appelée «le meilleur intérêt de l’enfant», basée sur la présomption que mère et père étaient égaux en ce qui a trait à la capacité de s’occuper adéquatement d’un enfant, même très jeune.

En Amérique du nord en tout cas, les juges ont pris des décisions «aveugles quant au sexe du parent» et ont posé la question préalable : «qui est ici le parent psychologique ?» et voilà que les pères se voyaient accorder la garde presque aussi souvent que les mères. Or, les mères, supportées par le mouvement féministe, ne l’ont jamais compris ! Elles réagissent comme elle le peuvent, souvent par la création de conditions qui peuvent mener au SAP.

Loin de moi de penser que ce ne sont que les mères qui initient l’aliénation, il y a aussi des pères bien sûr, mais le nombre de mères aliénantes dépasse de beaucoup le nombre de pères.

A-t-on des critères précis pour diagnostiquer ce syndrome ?

Gardner en propose huit et ce sont les critères décisionnels les plus utilisés. En voici la liste :

  • l’enfant dénigre un parent;

  • pour expliquer ce dénigrement, il donnera des raisons absurdes et frivoles;

  • il le fait avec un manque total d’ambivalence;

  • il prétend que personne ne l’a influencé, c’est le phénomène du «penseur indépendant»;

  • l’enfant se présente comme le soutien, le «champion» du parent aliénant;

  • il y a absence totale de culpabilité par rapport à l’exploitation ou à la «mise à mort» psychologique du parent aliéné;

  • l’enfant emprunte des propos et des scénarii adultoïdes;

  • son animosité s’étend sur l’ensemble du monde du parent aliéné : famille élargie, nationalité, filiation, etc.

Quelles sont les origines du SAP ?

Elles peuvent être multiples. Gardner prétend que la principale source est un parent, usuellement la mère, qui reste avec un ressentiment important envers l’autre parent et, pour mettre son enfant à l’abri de cet être indésirable, initie une campagne de dénigrement. Il est sûr qu’une source importante de SAP réside chez l’enfant même. Celui-ci, normalement, après une séparation parentale, est aux prises avec un grand conflit de loyauté. Un tel conflit crée un inconfort sinon une angoisse intenables. L’enfant tout naturellement peut vouloir se défaire de cet inconfort en opérant un clivage du couple parental : il a un bon parent et un mauvais parent et il opte résolument pour le bon, rejetant le mauvais. Pour l’enfant, le SAP peut donc être une résolution commode de son conflit de loyauté qui était par trop angoissant. En glissant dans le SAP, l’enfant survit sans malaise, sans angoisse, du moins à court terme.

Comment s’y prend le parent aliénant ?

Gardner parle d’un lavage de cerveau et d’une «programmation» que l’on peut aussi appeler, j’imagine, «conditionnement» dans le sens behavioriste du terme. Ce parent peut y aller de façon ouverte ou beaucoup plus subtile. Il utilise des termes évocateurs, exagère des problèmes actuels ou passés, reconstruit les souvenirs de l’enfant, utilise le sarcasme, interroge l’enfant de façon suggestive, crée des transitions laborieuses, affiche une «neutralité», là encore évocatrice.

Tout cela est en effet assez subtil. Quelquefois, le parent aliénant dénigre carrément et ouvertement l’autre parent en martelant dans l’esprit de l’enfant l’idée que l’autre parent est tout simplement mauvais, qu’on peut s’en passer ou, même, qu’il est à éviter à tout prix.

Programmation subtile, disiez-vous : donc, même si le parent ne dénigre pas ouvertement l’autre, il peut y avoir SAP ?

Absolument, la recherche empirique a démontré de multiples fois que les croyances de l’adulte – dans ce cas-ci un parent – se transmettent involontairement mais pas moins insidieusement à l’enfant.

Les mécanismes de cette transmission sont bien connus et sont composés souvent seulement d’attitudes non-verbales, de moues, de silences significatifs, d’attitudes subliminales, etc. L’enfant en vient, en deçà des mots, à adopter et à s’approprier la conviction du parent agissant ainsi.

Ce parent n’est même pas conscient que son enfant a ainsi adopté son point de vue puisqu’il n’a rien fait, volontairement, pour influencer l’enfant.

Qu’arrive-t-il, si on n’intervient pas dans le processus de l’aliénation ?

Souvent, en guise de consolation, on dit au parent aliéné : «ne vous en faites pas, en grandissant vos enfants vont voir plus clair et ils vont vous revenir». Ceci est un mythe. L’observation longitudinale démontre que si on n’intervient pas, les enfants, s’aliènent de plus en plus du parent et, même adultes, ne chercheront plus du tout de contact avec le parent aliéné. Celui-ci est comme mort. S’il ne l’est pas en réalité, il l’est sur le plan psychologique.

Se peut-il que l’autre parent soit effectivement mauvais ?

Bien sûr, mais on ne parle alors pas de SAP, même s’il y a dénigrement et même si l’enfant ne veut plus voir le parent aliéné. On ne parle de SAP que si le dénigrement est injustifié. En d’autres termes, il existe des aliénations justifiées, par exemple, là où le parent dénigré est réellement un être à éviter, ce qui héla sexiste.

Bref, tout le monde s’entend aujourd’hui pour dire qu’une intervention est impérative afin qu’un enfant ne perde pas un parent par ailleurs adéquat.

Et quelles sont les conséquences pour un enfant d’être «victime» d’une aliénation parentale ?

J’ai dit que le SAP se crée dans le psychisme de l’enfant grâce à ou plutôt, à cause, d’un clivage entre un «tout bon parent» et un «tout mauvais parent». Or, un clivage comme celui-ci crée probablement un clivage identitaire. On ne tue pas impunément un de ses géniteurs. Ce meurtre psychologique coupe l’enfant d’une de ses racines identitaires et peut donc le laisser avec une faille importante sur le plan de l’identité avec toutes les conséquences possibles sur le plan psycho-pathologique à moyen ou long terme.

Que peut-on faire ? Il y a-t-il des «remèdes» ?

La nature des remèdes dépend de la gravité du syndrome. Gardner propose trois degrés de gravité : bénin, modéré et sévère.

Il faut toujours intervenir mais, dans les cas bénins ou même modérés, les interventions restent là aussi plus «bénignes». Dans tous les cas toutefois, cela passe par une décision judiciaire, c’est-à-dire une autorité tierce et supérieure qui doit rétablir la loi et prononcer une parole structurante pour toutes les parties impliquées (y inclus l’enfant).

Dans les cas légers le parent aliénant «se fera parler» par le juge et cette intervention peut être suffisante. Dans les cas modérés, habituellement (mais non toujours), l’enfant restera avec le parent aliénant. Celui-ci sentira néanmoins une «épée de Damocles» et des sanctions doivent être prévues, y compris un éventuel changement de garde. Tous auront besoin d’une démarche d’encadrement par un professionnel bien au courant du phénomène du SAP.

Dans les cas sévères, un tel encadrement, aussi «thérapeutique» que soit son but, ne suffira pas. Dans ces cas, la seule issue est souvent un jugement qui accorde la garde au parent aliéné avec, au surplus, obligation pour le parent aliénant de chercher un encadrement professionnel afin de pouvoir exercer des droits normaux.

À défaut d’un changement d’attitude du parent aliénant, ses droits d’accès (visites, téléphones) peuvent se trouver sérieusement limités. La réintégration du parent aliénant, dans ces cas, devrait se faire à des «doses» prudentes.

Il est évident aussi que, dans les cas modérés et sévères, l’enfant aura aussi besoin d’un encadrement professionnel. Dans ces cas, il est plus qu’utile qu’un juge reste saisi du dossier.

Comment l’enfant réagit-il à un changement de garde si soudain chez un parent haï ?

Étonnamment bien et cela même si l’enfant n’a pas vu le parent haï depuis des mois ou même des années. L’expérience démontre que, plus l’enfant est jeune, plus la glace se brise rapidement, souvent dès les premières minutes, du moins évidement, si une relation affectueuse a existé avant l’aliénation. Avec des enfants plus âgés et des pré-adolescents, la période d’acclimatation et de l’apprivoisement mutuel peut être plus longue. Si toutefois les «intrusions» de la part du parent aliénant (téléphones répétés, par exemple) sont limitées, l’apprivoisement se fait et l’enfant pourra sortir de sa «bulle» de façon étonnamment rapide.

Des professionnels craignent quelquefois qu’un enfant, lors d’un tel transfert, ne se désorganise ou «décompense». L’observation ne supporte aucunement cette crainte.

Et comment réagit ce parent aliénant qui se voit enlever la garde de son enfant ?

Très mal ! Le drame est que, dans la majorité de cas, la conviction de ce parent selon laquelle l’autre parent est mauvais, ne se trouve même pas égratignée.

Au contraire, il y a un phénomène, bien connu en psychologie sociale, qui fait que sa conviction s’intensifiera encore. Ce phénomène qui s’appelle «l’évitement de la dissonance cognitive» et a été bien décrit, il y a longtemps déjà, par Festinger.

L’intensification de sa conviction que l’autre parent est mauvais et que grande injustice a été infligée à lui-même et à son enfant, feront que ce parent continuera à chercher des experts dans l’espoir de se faire donner raison. Souvent, il refera signalement après signalement auprès des policiers et des services de protection, pour prouver que son enfant est malmené, négligé, abusé physiquement ou sexuellement chez l’autre parent.

Mais alors, rien n’est réglé !

Si, quelque chose est réglé et c’est l’essentiel : l’enfant se retrouve avec deux parents plutôt qu’un seul ! Il est vrai que l’un des parents est dans un état de désarroi, mais, de toute façon, ce parent l’était déjà avant l’intervention. Le temps peut faire le reste, c’est-à-dire amener une certaine accalmie. C’est le propre du temps, de toute façon : les enfants grandissent, deviennent autonomes; les parents vieillissent, perdent leurs illusions, continuent leurs vies…

Hubert Van Gijseghem

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